Entrevue avec Nicolas « Dhrus » Arette-Hourquet, commentateur vedette des tournois baston

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Le visage du commentateur de jeux de combat Dhrus

Immanquable sur la scène européenne et grand fan de Street Fighter IV, Dhrus parle de la vie de scoliaste et prodigue divers conseils à tous ceux qui voudraient se lancer

Barbe fournie et crâne rasé, il fait des apparitions constantes sur les tournois français les plus importants, et parfois même outre-Quiévrain pour le plus grand bonheur des amateurs de commentaires pointus sur la baston. Apparaissant souvent concentré à l’extrême pour livrer un juste rendu des faits, Nicolas Arette-Hourquet, alias Dhrus, s’affiche désormais comme une référence, à l’image de sa performance à The MIXUP en avril dernier.

ExoBaston – Pourrais-tu nous dire un peu qui tu es ? Ton parcours ?

Nicolas « Dhrus » Arette-Hourquet – Alors, moi, c’est Dhrus, Nicolas Arette-Hourquet. J’ai 40 ans et je suis passionné de jeux de combat depuis mon plus jeune âge. Mon parcours est très atypique. Il faut d’abord savoir que commentateur de jeux de combat pour moi c’est pas un métier principal, c’est avant tout une passion. Je suis animateur à l’année et directeur en centre de loisirs pour les enfants de 6 à 12 ans pendant les vacances. Je suis à Neuilly-Plaisance, en banlieue parisienne.

Aussi, quand j’ai commencé à commenter j’étais coach Melty E-sport, pendant 6 mois. Il y avait Will2pac en joueur, Cuongster et j’avais également recruté Genius. Et j’étais même parti à Las Vegas, à l’EVO là-bas, tous frais payés pour rejoindre et suivre les joueurs. C’était une bonne expérience mais c’était pas coach, du genre je vais leur apprendre à jouer aux jeux de combat, ils sont bien meilleurs que moi. C’était plus un support psychologique, physique, pour les mettre bien, discuter avec eux. Après est-ce que c’est utile pour les jeux de combat, ou pour les jeux solo… Je ne sais pas.

Au niveau des émissions, j’apparaît sur « On en parle ou pas avec Kx », j’ai fait la Nolife Street Fighter League, Pixel Dojo sur Ab1 et la Mortal Kombat Cup.

Pourquoi le pseudo Dhrus ? Est-ce que ça a un sens particulier ?

Ça ne s’écrit pas comme ça mais ça vient d’un roman de David Gemmell, Druss la légende, un roman fantastique que je te conseille d’ailleurs, si tu lis un peu, qui est complètement fou. C’est avec un personnage charismatique, un gros guerrier Capitaine à la Hache, invincible, très puissant. C’est du lourd, un grand classique.

Es-tu toi même un grand joueur de Versus Fighting ?

Alors, grand joueur, je dirais pas grand, sinon je ne serais pas commentateur, ça c’est sûr. Mais j’ai eu des petits hauts-faits d’arme par le passé effectivement. Donc en fait moi je jouais aux jeux de combat depuis toujours mais jamais trop sérieusement, juste avec les potes et compagnie. Jusqu’à l’arrivée de Street 4, c’était vraiment le retour en grâce des jeux de combat. Il y avait beaucoup de salles d’arcade parisiennes qui avaient ré-ouvertes, et j’ai commencé à beaucoup les fréquenter, et je me suis mis à faire pas mal de tournois sur Street 4. Au début ça mourrait en poules, normal, et plus le temps passait, après je ne mourrais plus en poules, et j’allais squatter à Arcade Street. Et c’est là que j’ai rencontré vraiment tout le nerf de la communauté parisienne.

Il y avait des rankings, et dans ces rankings j’arrivais à tuer de gros joueurs comme Cuongster qui jouait Honda à l’époque. J’ai alors intégré la structure WatchDaMatch, qui était la même structure que Luffy, en tant que représentant. Donc ce n’était pas joueur pro. Je n’avais clairement pas le niveau des autres. À l’époque il y avait Luffy, Evans, Renegade, Will2pac, Cuongster… Bref, ils avaient recruté un petit peu tous les meilleurs français. Donc moi j’étais un représentant, voilà, j’étais défrayé pour les tournois en France et je les accompagnais un petit peu à l’étranger, de ma poche. Je jouais pas mal, j’étais l’un des meilleurs Zangief français on va dire, si c’est pas plus, parce qu’il n’y avait pas grand monde qui jouait Zangief ! Mais bon, ça on est pas obligé de le dire {rires}.

Ce n’était donc pas juste de la compétition amicale

Non, non. J’ai un esprit compétitif, jusqu’à mes 25 piges je faisais du hand en club, etc… Quand je fais un truc, j’essaie de le faire à fond puis le but c’était d’être le plus compétitif possible.

Tu es devenu un incontournable de la scène de la baston, principalement en tant que commentateur des compétitions, comme dernièrement au Mixup de Lyon. Pourquoi as-tu choisi d’être commentateur ?

Ça s’est fait tout doucement, et plutôt sainement j’ai envie de dire, sans forcer, sans rien. Ça remonte, à l’époque les premières fois où j’ai commencé à commenter c’était tout seul, un tournoi que j’organisais avec 2pac et Lior, dans les meltdown parisiens (bar gamer organisant des tournois ndlr). On faisait « Apocalypse in Paris » à l’époque. En plus d’organiser le tournoi, on le streamait et y’avait personne pour commenter et puis, bon bah, voilà. Vu que j’étais plutôt à l’aise à l’oral, on s’est dit, bon allez, on va tenter. Et j’ai commencé à commenter là, tout seul. Et petit à petit, Ken Bogard est venu me voir et m’a fait des compliments, il m’a donné des petites astuces pour m’améliorer, des petits tricks comme ça, puis c’est parti tout seul.

Je le considère complètement comme un exemple, comme un mentor. J’ai un profond respect pour lui, dans le sens où justement à l’ère Street 4, il a réussi avec ses premières vidéos qu’il faisait sur YouTube, à remotiver toutes les troupes françaises. Et il y tellement de monde qui s’est remis aux jeux de combat grâce à lui, c’est archi-violent. Ce qu’il fait est génial. Il arrivait à commenter un match de Street Fighter comme on peut commenter un match de foot, mais en mieux. Il m’a donné des conseils, il m’a encouragé, donc c’est super valorisant, ça donnait envie de continuer.

Même si après, on est pas tous les deux sur le même registre en termes de commentateur, dans le sens où il est optimisé pour être solo et moi je suis vraiment quelqu’un de très polyvalent et je suis très à l’aise en duo. Je vais savoir en fait m’adapter à l’autre caster. Et bien sûr, avec mon caster favori, Kx, avec qui je travaille depuis très longtemps, on commence vraiment à avoir des mécaniques très fluides. Je connais mes forces et mes faiblesses. Je sais que s’il va falloir par exemple meubler des heures, c’est pas mon truc. Même si je préfère toujours avoir sous la main de petits sujets au cas où il y ait un problème pour meubler et compagnie, pour tenir le temps, ce n’est pas là où je suis le plus à l’aise. Alors que, un Ken Bogard, il peut te meubler l’infini {rires}, et d’une manière tout à fait naturelle, etc…

Quels ont été les évènements que tu as commenté qui t’ont le plus marqué ?

J’ai toujours été au RedBull Kumite, ça se fait en deux jours. Le premier jour ce sont les Last Chance, tournoi qualificatif où tous les gens essaient de se qualifier pour pouvoir rentrer dans la cage le lendemain. Et depuis le premier, je commente donc le Red Bull Kumite avec Kx, Rayoux, qui passe de temps en temps, et ça permet d’avoir de plus en plus confiance, de s’exercer vraiment dans le réel. Commenter les cast, ce sont des casts très longs, les poules… Il y a pas mal de choses. Donc ça c’était vraiment une belle opportunité de pouvoir commenter dès la première édition et de les avoir toutes faites derrière, jusqu’au dernier cette année.

Ça a ensuite débouché sur la coupe de France Street Fighter, à l’époque, sur la scène du Grand Rex, debout au micro avec le public devant toi. C’est encore un nouveau type de cast, et c’était génial, c’était une super expérience. Pareil, les StunFest, sur la grande scène encore l’année dernière, où je commentais du DBZ avec Kx. C’était énorme, ça fait vraiment super plaisir. Quand il y a le public au micro, c’est pour moi ce qu’il y a vraiment de plus stylé. Après forcément, on peut pas faire ça partout. Il faut du public, il faut tout ce qui va autour. Et le cast avec les casques, c’est pas mal aussi quand même.

Comment vois-tu la scène des jeux de combat en Europe, et plus particulièrement en France, Belgique et Suisse ?

Tout le circuit Pro Tour et ce qui l’entoure; je suis ultra-spécialisé Street Fighter. Après ,j’affectionne énormément Dragon Ball, Mortal Kombat, et là en ce moment je joue beaucoup à UNIST. La scène que je connais le mieux, c’est la scène française, avec laquelle j’ai évolué tant d’années depuis le retour de Street 4. Personnellement, je joue beaucoup moins à Street 5, pour raisons de temps, d’envie aussi. Ce n’est pas pareil que Street 4, faut pas se le cacher. Et puis la scène belge aussi, à l’époque je suis allé quelques fois en Belgique les voir. Il y a une belle communauté, qui explose d’ailleurs vachement avec le Brussels Challenge, qui a évolué énormément.

Par contre la communauté suisse, à part V-Ryu, je ne connais quasiment personne. Et il a complètement arrêté depuis, enfin il réapparaît de temps en temps. Un jour on le reverra à un event mais ça fait un moment qu’on ne le voit plus.

Et le Canada ?

J’ai jamais eu de contact, je n’y ai jamais pensé mais l’idée est séduisante en tout cas. Faire un tour là-bas pour caster en français, ce serait craqué.

Quels sont tes conseils pour les plus jeunes qui souhaitent se lancer en tant que commentateur de jeux de baston ?

Jouer, jouer aux jeux déjà forcément. Ça paraît tout bête, mais un caster qui connait vraiment bien le jeu jusqu’à un certain niveau, c’est très très important. Même si quand on cast, et c’est je trouve le plus dur à réaliser quand on cast un jeu de combat, c’est de ne pas partir trop dans les détails techniques. D’en donner assez pour satisfaire les joueurs qui suivent le jeu, qui attendent justement tout ce côté technique et cette profondeur de jeu, mais sans noyer les autres personnes qui aiment bien regarder. Le petit pointeur à mettre entre les deux, il est très très difficile. C’est là-dessus que je travaille personnellement et c’est pour ça que je conseille aux jeunes commentateurs en herbe, si on peut dire, de vraiment arriver à être équilibré. De ne pas partir trop dans les détails techniques, la frame data, tous les trucs compliqués. Et aussi de connaître un minimum le jeu et de le comprendre.

Comprendre la profondeur du jeu et ce qui se passe à l’écran, pour pouvoir la retransmettre d’une autre manière, mais de manière accessible. Ça c’est le premier truc. Ensuite, s’entraîner tout seul, c’est très dur, de prendre des matchs et de les caster tout seul, de s’enregistrer et de les ré-écouter derrière, c’est une torture. Je l’avais fait un petit peu à une période pour un peu m’améliorer, voir ce qui n’allait pas, etc… Ça aussi ça peut être très bien, si vous êtes motivé. Et puis, ne pas hésiter à venir nous voir. Parce qu’on est ultra-accessibles. Tous les gens de la communauté des jeux de combat, c’est pas parce qu’on passe sur une WebTV, qu’on commente des tournois, qu’on est pas accessible. Vous venez nous voir en disant « ha c’est super, j’aime bien commenter, ça m’intéresse. Est-ce que tu aurais de petites idées ? Si on fait ça… », voilà ! De parler, de ne pas hésiter à aller voir les autres aussi, et de connaître la communauté, de parler avec la communauté.

Moi encore, ce week-end, je suis allé pêcher plein d’infos en discutant avec les joueurs. En leur posant des questions. Bon après c’est plus facile pour moi, parce que je connais quasiment tout le monde, depuis le temps, dans le milieu. Même s’il y a de nouvelles têtes régulièrement, je vais leur poser des questions régulièrement sur tel perso, ce qui ne va pas, etc… Pour avoir des choses à dire, pendant les casts. Travailler le storytelling, c’est bien connaître la communauté, et pour ça il y a Twitter. Faut follow tous les gens possibles de la communauté des jeux de combat. Moi je suis énormément de joueurs, que ce soit français, américains, même japonais. Google trad, même si ça fait des traductions dégueues… voilà ! Je vais regarder ce que Daigo dit, ce que Nemo dit, ce que Tokido dit quand il parle en jap’. Dans cela dans le but d’être vraiment imprégné de la fgc (fighting game community ndlr.).

Il faut savoir quand même parler un minimum convenablement, c’est à dire avoir une petite aisance orale et, au pire, si on ne l’a pas, de la travailler. Ça se travaille ! Parler un français convenable, c’est déterminant.

Tu commenteras encore dans une dizaine d’années ?

Alors là… Je n’en ai aucune idée mais je l’espère ! C’est vraiment ma passion. C’est un truc que j’aime faire. Maintenant je ne fais plus les tournois en tant que joueur, je les fais en commentateur mais je prends autant de plaisir, voir plus, et sans le stress. Parce que le stress des tournois, c’est autre chose. Ce sont des interrogations : pourquoi on est pas passé, arriver à comprendre pourquoi on a perdu son match… tout le monde stresse, même les grands joueurs en parlent régulièrement. Par contre personnellement, plus je fais des événements à commenter, moins j’ai de stress, moins j’ai la boule au ventre avant de passer à l’acte.

Est-ce qu’il y a un jeu ou un événement que tu attends avec impatience cette année ou l’an prochain ?

J’ai vraiment un gros attachement pour le StunFest, qui est un festival sur Rennes et qui regroupe maintenant une culture beaucoup plus étendue que les jeux de combat. Mais à la base, quand ça a commencé dans des caves, c’était très spécialisé arcade et jeux de combat. Entre-temps ça s’est développé et ils vont jusqu’à faire venir des jeux indés, il y a du speedrun… Et ils ont même proposé à des profs, je l’ai vu aujourd’hui sur Twitter, de faire visiter les coulisses du StunFest aux élèves. Donc c’est vachement bien, tourné positivement, et puis historiquement c’est le tournoi que j’ai le plus kiffé en temps que joueur quand j’y allais et que j’ai commencé à voir, je crois que c’étais Tokido en 2011. Je regardais des vidéos de ses tournois au Japon, donc il y a vraiment un côté attachant au StunFest.

Dhrus, un dernier mot pour la route ?

Je tiens à remercier tous les gens qui me font confiance, et ça c’est important. Autant Ken Bogard dans les Meurs pas sans ton PIF où je suis intervenant régulier; tous les orga de tournois qui nous font confiance à Kx et moi parce que, comme je le disais tout à l’heure, on marche vraiment en duo, on est vraiment un binôme. Il y a vraiment une alchimie qui se crée quand on commente à deux. La polyvalence pour moi c’est important, savoir un petit peu tout faire, s’ouvrir à tout. Ne pas rester fermé ! Accepter les critiques , il y en a. C’est parfois compliqué de lire les commentaires, de lire des chats quand on commente, quand on est un petit peu mis en avant. Je pense qu’il faut aller plus loin que ça, il faut se dire OK. Il faut prendre ce que tu penses être légitime dans les remarques et essayer de les améliorer, pour aller de l’avant.

Je voudrais aussi remercier WatchDamatch, qui étaient des précurseurs. Il faut rendre à César ce qui est à César. Je tiens également à mentionner Asenka, qui a tant oeuvré pour la fgc. C’est lui qui m’a donné l’opportunité de commenter les Last Chance du RedBull Kumite.

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